ÊTRE ARTISTE PASSERELLE

GÉNÈSE DU TABLEAU “CYCLES EN SÉRIE”

Une amie m'a dit que je tenais un journal avec ce blog. Je ne m'en étais pas rendu compte. Cela tombe bien puisque j'avais en tête de continuer à témoigner de certains phénomènes au cœur de mon atelier. Cette fois, je pense à l'histoire surprenante de la toile « Cycles en série ».

Avril 2022, je viens de terminer l'initiation de transe cognitive avec TranceLab (et oui, elle est encore là !) et je me sens motivée pour me rencontrer à travers une toile grand format, 130 x 200 cm.

Prise entre la propulsion vivifiante du stage en Mars, et la réception d'une exposition, en Juin, me voilà sur un chemin où je ne peux qu'avancer et m'offrir à la découverte !

Après tout, c'est bien pour cette raison -me rencontrer- que j'ai parcouru tous ces kilomètres terrestres et mentaux, ces 20 dernières années : chercher des maîtres à Grenoble, les rencontrer à Nice, puis à Bruxelles, aller à New York, y peindre et vendre mes 1eres toiles, poursuivre les expos à Londres, à Paris, et puis, ce que j'appelle les kilomètres mentaux... -ceux qui font piétiner sur place, tout en déportant loin de soi ; fortes conséquences sur ma créativité - , reprendre les cours de dessin à Toulon, et attérir à Liège, chez TranceLab, pour dégoupiller l'obstruction de mon expression artistique, enfin !

Naturellement, la musique devient une présence indispensable dans ma nouvelle façon de peindre, et cette fois, je viens d'acheter le dernier album d'Adele Blanchin, « Amyia », qui répond bien à mes pulsations intérieures. Mon oreille perçoit sa dimension psychédélique et je chevauche ses ondes sauvages avec plusieurs pinceaux dans chaque main ! Tout est tellement neuf depuis quelques semaines, que je ne juge plus les bizzareries surgissant dans ma pratique et je m'émerveille de cette liberté d'agir.

Le grand tableau, couché au sol, reçoit plusieurs flaques colorées et les pigments se rencontrent au gré des coulures qui s'étalent, des impulsions, inclinaisons de la toile que je fais tourner, onduler, aux rythmes du didgeridoo ou de la guimbarde d'Adele. Rapidement, je laisse faire ce qui vient, mais après quelques jours, arrive la phase d'entre-deux, où la surface est suffisamment occupée pour ne pas en rajouter, mais pas suffisamment pour arrêter, puisque l'étincelle de l'esprit n'est pas encore manifestée. Et la peur de tout foirer se pointe ! Comment ne pas lui laisser toute la place ? A ce moment là, je réalise que je ne comprends pas ce que je suis en train de peindre, j'ai même le sentiment que ce tableau m'est étranger. Et quelque part, cela me plaît autant que cela m'effraie. Sentiment très particulier de continuer à danser avec un inconnu, que pourtant je façonne !

Celle qui me soutient dans les moments de doute, c'est l'artiste Frédérique Lemarchand, que j'ai eu la grâce de rencontrer, et dont j'ai acheté le livre qui me suit dans tous mes déplacements. Je l'entends encore me dire de sa voix unique et reconnaissable : « N'ai pas peur de tout perdre ». Alors je repars, le cœur ouvert à ce soit disant, étranger de moi.

Je reprends les pinceaux et m'immerge dans les tons de rouge vif et de jaunes. Je suis ce feu qui m'embrase et mes gestes circulaires me parlent des cycles de la création. De ce qui se désagrège et disparaît, autant que ce qui féconde et éclot. Chaque temps est présent. Et la mélodie d'Adèle, en boucle, tout au long de la semaine, m'emporte, puis m'apaise quand elle me chante les sons du cœur de la nuit.

Ça y est, je sens que le tableau est fini ! C'est très clair en moi. Pourtant, je ne le comprends toujours pas, mais j'écoute cette requête de non intervention. A ma grande surprise, une pensée me dit :« La personne qui l'achètera, le comprendra mieux que toi ». Une intrigue de plus que je laisse être.

Et c'est exactement ce qui se produisit un mois plus tard, lors de l'exposition où j'ai accroché cette peinture au centre du Lavoir Vasserot, à Saint-Tropez : de tous les visiteurs, le regard de cette femme s'est différencié des autres. J'ai senti, à sa manière féline de se diriger vers l'oeuvre, comme aimantée, qu'elle captait ce truc qui m'échappait. Envieuse, je l'ai observé faire connaissance avec MON tableau. Et très vite, j'ai accepté qu'il n'était pas mien, mais qu'il était POUR elle. J'ai envie de croire que cette toile lui était destinée depuis le début, à mon insu. Ce qui fait de l'artiste que je suis, une passerelle.

Découvre ici, la toile dont il est question.

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