LA RÉPÉTITION PERMET LA MAÎTRISE
Je prépare ma prochaine exposition pour le Lavoir Vasserot.
Je me concentre sur certains détails de finitions qui nécessitent des gestes répétitifs.
Alors que je squatte l'atelier de mon mari, la dernière semaine d'Août, je pense à voix haute et lui dit : « C'est drôle comme les gestes répétitifs favorisent la maîtrise, au bout d'un certain temps ».
J'ai ressenti une petite satisfaction s 'installer à travers cette réflexion car m'étant lancée dans une nouvelle opération pour cette expo, je bataillais depuis le début pour obtenir le résultat que je voulais. Après plusieurs tentatives de créations d'outils, c'est dans son atelier que mon homme me proposa de combiner deux machines ensemble, ce que je n'aurais pas trouvé seule, de mon côté.
Comme cette nouvelle solution fut concluante, j'entrai dans un état méditatif et pouvais laisser mon esprit se déposer sur ce brin de pensée qui m'emmenait aux années 2000, lors de mon apprentissage à l'Institut Van Der Kelen de Bruxelles : ses professeurs m'ont enseigné la technique des peintres flamands, l'art des glacis à l'huile, l'imitation d'une soixantaine de bois et de marbres, la dorure à la feuille, le trompe l'oeil et plus encore...
Cette ancienne école familiale, âgée de 142 ans, prodigue encore aujourd'hui des cours dans un contexte d'époque minutieusement conservé. Cette aventure est un véritable voyage dans le temps à tous les niveaux, dès que l'on franchit le seuil de l'immense porte au bâtiment classé. Nous passons par l'étude des différentes essences de bois et variétés de marbres. Cet apprentissage requiert beaucoup de concentration, d'observation et de pratique évidemment. C'est sûrement la deuxième partie qui m'a le plus intéressée parce que facilitée par mon tempérament contemplatif !
Quand j'en suis sortie, mon diplôme en poche, j'ai regardé un nuage dans le ciel et j'ai senti que mon regard avait changé, je me suis dit alors : « A partir d'aujourd'hui, je ne verrai plus le monde de la même manière ».
Pendant 6 mois intensifs, après les temps d'observation de chacune des techniques, j'ai répété, répété et répété les mêmes gestes pour que la façon entre dans mes tissus.
Prendre le temps d'observer, de détailler la texture du support, la réaction des substances utilisées, de la matière, le comportement des outils, les nuances et les voiles de couleurs que l'huile offre...
Il en faut des heures pour maîtriser un art et même si patience et répétition semblent barbantes, surtout quand on vit à l'ère du clic, elles sont pourtant bien précieuses et gratifiantes.
Après Van Der Kelen, qui m'a rassasié par la richesse de sa transmission contrastant avec mon passage, l'année précédente, aux Beaux Arts de Grenoble, j'ai mis en pratique ces enseignements et j'ai travaillé sur différents supports : recherché puis développé ma peinture sur toile et, en parallèle, oeuvré sur commande pour des entreprises et particuliers dans des maisons, hôtels, restaurants, sur murs, meubles, objets d'art....
Cet aspect technique est un socle solide pour la peinture que je fais maintenant.
J'ai mis du temps à percevoir son avantage et comment le mettre à profit pour ma peinture abstraite qui est bien éloignée des sujets figuratifs et académiques qui m'ont nourris et tant inspirés.
J'adore ce phénomène de mise à jour, l'expérience qui façonne le bénéfice du passé dans une forme révisée. Le tableau Communion est l’une de mes toiles qui illustre ce travail de maturation. Clique sur ce lien pour le découvrir